La câpre, le petit bouton qui fleure bon la Méditerranée
Avant toute chose, il faut mettre une chose au clair : la câpre n'est ni un légume, ni une graine et encore moins un fruit. Issue du câprier commun (Capparis spinosa) ou du câprier ovale (Capparis ovata), elle n'est rien d'autre que la fleur du câprier, plus précisément, un bouton floral, autrement dit une fleur qui n'a pas encore éclos. Une particularité qui fait de la cueillette de ce condiment un acte presque poétique : elle se déroule avant l'aube, dans une course contre le soleil, car il faut avoir terminé avant que ses premiers rayons ne fassent s'ouvrir les boutons aptes à être cueillis.
La petite histoire de la câpre
Le câprier est un arbuste originaire du bassin méditerranéen. C'est une petite plante robuste qui peut pousser, comme la mauvaise herbe, sur presque n'importe quel type de sol, même les plus secs et caillouteux, et il parvient même à prospérer entre les roches de vieux murets. Cela en fait une plante très commune depuis l'Irak et la Turquie jusqu'en Afrique du Nord en passant, bien sûr, par le sud de l'Europe. Aujourd'hui, on en trouve jusqu'en Chine et aux États-Unis où l'arbrisseau s'est très bien accommodé au climat aride de l'Arizona ou encore du sud de la Californie.
Les premières traces de consommation de câpres nous font remonter jusqu'à l'Antiquité, vers 2 700 ans avant J.-C. Il en est fait mention, en effet, dans le plus ancien récit littéraire connu de l'Histoire, à savoir "L'Épopée de Gilgamesh", qui raconte les exploits du roi éponyme. Écrit en Mésopotamie, région englobant une partie de l'Irak, de la Syrie, de l'Iran, de la Turquie et du Koweït, cette mention vient confirmer la zone d'origine des câpriers comme étant le pourtour méditerranéen.
Dans la Grèce antique, puis la Rome antique, on incorporait la câpre dans les salades ou on la mangeait en guise d'apéritif pour stimuler l'appétit. Le câprier était également déjà reconnu pour ses effets médicinaux, et bourgeons comme tiges et feuilles étaient prescrits pour traiter plusieurs types d'affections, allant des maux de têtes à la paralysie en passant par les flatulences et la fièvre. On pensait même que la câpre avait un effet aphrodisiaque et on en mangeait dans l'espoir de régler les troubles de l'érection.
Ce n'est que vers le 6e siècle que la câpre est introduite en France par les Grecs, à partir de la Provence. Aujourd'hui, l'Hexagone ainsi que l'Espagne et la Turquie produisent un peu moins du quart de la production mondiale de câpres, tout le reste ne venant ensuite que d'un seul pays : le Maroc.
Les différents types de câpres : une question de taille
Saviez-vous que les câpres étaient classées en fonction de leur taille ? Il y a, tout d'abord, les lilliputs qui sont les plus petites avec un diamètre inférieur à 5 millimètres. Elles devancent les non-pareilles qui ont un diamètre allant, cette fois-ci, de 5 à 7 millimètres, elles-mêmes suivies par les surfines qui ont un diamètre compris entre 7 et 8 millimètres.
Viennent maintenant les capucines au diamètre variant de 8 à 9 millimètres, les capotes, entre 9 et 10 millimètres, et ce que l'on appelle les fines qui font entre 11 et 13 millimètres de diamètre. Enfin, les grues terminent ce classement avec leur diamètre supérieur à 14 millimètres. Ces dernières sont parfois aussi appelées des "hors calibres".
Il se dit souvent que les câpres les plus goûteuses et les plus délicates sont les plus petites. Cela serait dû à leurs saveurs plus concentrées qui les rendraient, en conséquence, meilleures. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que les lilliputs sont vendues plus cher que les autres. Dans les faits cependant, il ne s'agit que d'une idée reçue : grues, capucines, lilliputs, toutes les câpres sont aussi délicieuses les unes que les autres pour peu qu'elles aient été préparées de manière identique ! En réalité, seule la méthode de conservation influe sur le critère du goût.
Enfin, vous avez sûrement déjà dû remarquer cette variété de câpres aussi grosse qu'une olive et qui possède une queue, très pratique par ailleurs pour sa dégustation. En réalité, ce n'est pas une câpre, mais un câpron. La différence ? Là où la câpre est une fleur non éclose, le câpron est le résultat de la fécondation de cette fleur, autrement dit, il s'agit du fruit du câprier.
Les modes de conditionnement de la câpre
Les câpres ont un goût naturel amer et aigre, loin de l'agréable acidité marine qu'elles procurent en bouche une fois leur maturation achevée. Pour arriver à ce résultat, on fait généralement confire les câpres dans du sel afin d'activer sa fermentation lactique, ce même principe qui permet de faire de la choucroute. On les laisse ainsi mariner pendant 20 à 30 jours, avant de les débarrasser de tout surplus de sel et de les mettre en bocal.
Il existe également sur le marché des câpres conservées dans la saumure. Elles sont forcément moins salées, mais aussi moins goutues et possèdent une texture plus ferme. Sinon, certaines câpres sont tout simplement marinées dans l'huile – généralement de l'huile d'olive –, réduites en pâte, ou encore lyophilisées. Il en existe même qui sont égrugées pour être vendues en poudre. Autant de conditionnements différents pour différentes utilisations.
Ce qu'apportent les câpres à l'organisme
Sans surprise, la câpre est un petit bouton peu calorique essentiellement composé d'eau, qui contient peu de protéines et de glucides, ainsi que très peu de lipides, pour peu, bien sûr, qu'elle n'ait pas été conservée dans l'huile. La câpre est également un petit concentré de composés polyphénoliques (flavonoïdes), notamment de quercétine et de rutine, qui possèdent des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antibactériennes.
Ce condiment s'avère par ailleurs être une bonne source de calcium, crucial pour la bonne santé des os et du cerveau, ainsi que de potassium, un sel minéral essentiel tant à la circulation sanguine qu'à une bonne santé musculaire. Attention toutefois à son fort taux de sodium, conséquence de son salage, et à cause duquel approximativement 100 g de câpres suffisent à atteindre la totalité de la consommation quotidienne de sodium recommandée chez l'adulte (2 grammes selon l'OMS). Pour atténuer ce phénomène, il est toujours possible de les rincer ou de les faire tremper avant utilisation, mais la prudence reste tout de même de mise.
À part cela, la câpre apporte en outre quelques vitamines dont les plus présentes sont la vitamine K et la vitamine C.
La câpre, amie du cuisinier
La câpre s'avère être un allié extrêmement polyvalent en cuisine. Sa saveur intense, à la fois salée, acidulée et légèrement amère, sert à une grande variété de sauces et peut rehausser un grand nombre de plats. Prenez l'emblématique tapenade, par exemple, cette pâte faite d'olives vertes et noires écrasées au mortier avec des câpres et des anchois, puis relevée d'herbes aromatiques, d'ail et d'huile d'olive. Excellent dégusté avec des tranches de pain ou des légumes grillés, ce plat, inventé à Marseille en 1880, doit son nom au condiment qui s'appelle "tapena" en langue d'oc.
Autre sauce légendaire avec des câpres : la rémoulade d'Auguste Escoffier, une mayonnaise additionnée de câpres et de cornichons que l'on aromatise également de cerfeuil, de persil et d'estragon hachés menus, avant de l'agrémenter d'essence d'anchois ainsi que de moutarde. Un montage parfait pour accompagner poissons et crustacés, mais aussi les viandes froides et les salades.
Sur un tout autre registre, vous pouvez faire mariner vos poissons avec une pâte de câpres arrosée de citron avant de les faire griller ; en rajouter à la sauce tomate pour relever vos pâtes (ne pas oublier l'ail et le basilic) ; ou encore en mettre dans votre pan bagnat et tout autre sandwich à base de crevettes, de thon ou de poulet grillé.